dimanche 17 avril 2011

Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes?

Les portes se ferment sur un petit bout de ma vie.
Encore une fois,
mon coeur part dans cet autobus austère.
Je le reverrais bientôt,
mais je ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement.

En te regardant partir,
par la fenêtre,
je me retrouve au milieu d'adieux.
Je sens ses larmes couler dans mon dos,
ces larmes qui ne m'appartiennent pas,
mais qui sont adressées à lui.

Il s'en va,
elle ne fait que pleurer
et lui,
comme un homme,
essaie de rester fort.

Je déteste les adieux.
Les miens et ceux des autres.

En voyant l'autobus s'éloigner,
je me dis que je devrais courir.
Te rattraper.
Rattraper mon coeur.
M'enfuir d'ici,
de mes problèmes.

Mais stoïque comme un banc de parc,
je reste là,
déchirée entre l'envie de tout quitter
et mes obligations.

La besace au torse,
je tourne les talons vers la bouche de métro.
Je me retrouve coincée entre deux sans-abris.
Dans un élan de mélancolie,
pour partager leur pitié et ma tristesse,
je leur donne les dernières pièces de monnaie qui dorment au fond de ma poche.
En y glissant ma main,
j'y retrouve un morceau de papier.
Je le garde au creux de ma paume,
comme le ferais un religieux et son chaplet.

Sur le quai,
j'attends patiemment le métro.
Avec une petite boule dans la gorge,
je serre un peu plus fort le papier.

Après de longues minutes
et une annonce d'interruption sur la ligne verte,
je m'assoie par terre.
Les genoux croisés en indien,
je me décide à ouvrir le morceau de papier.

Un dessin, une note toute simple.
Un coeur, un je t'aime.
Je souris en les voyant.

Dans une bourrasque soudaine,
le papier s'envole sur les rames.
Merde.
Dans ma tristesse frustante,
je cherche le coupable.
Un corridor,
une porte,
un métro...
Rien.
Rien qui ne puisse expliquer ce vent.

Et soudainement,
je me sens comme ce papier.
Seule.
Prête à me faire écraser.
Condamnée à disparaître.

Dans un remord envahissant,
je me dis que j'aurais mieux fait d'en faire un bateau avant qu'il ne s'envole.
À défaut de ne pas avoir monté dans le bus,
j'aurais quand même pu te rejoindre.


dimanche 10 avril 2011

Je déteste Montréal, mais toi, je t'aime.

Le soleil brille dehors.
Pas moi.
Gris, vide et terne,
je me supplie de vivre.
Dans un refus perpétuel
je continue d'espérer que bientôt,
je redeviendrais moi-même:
Passionnée.
Folle.
Et vivante.

Je monte dans l'autobus
comme si j'allais à la potence.
Retourner à Montréal me donne des hauts le coeur
ou peut-être est-ce juste le mal des transports?!
Dans cette profonde envie de vomir,
je passe dans des endroits où déjà,
de petites ébauches de souvenirs se sont construites.
Mais sans toi,
ce n'est jamais pareil,
sans toi,
ce n'est jamais aussi vrai.

Je me surprends à me plaire dans cette banlieue,
un peu trop bourgeoise,
mais où pleins de petites choses anodines la rendent si parfaite:
La maison à «tout le monde» et ses phénomènes étranges.
Manon.
Le centre communautaire et ses histoires de cul.
Gaston.
Le 260 rue St-Henri et ses soupers presque parfaits.
Le couche-tard et ses Xenergy sans sucre à saveur de mangue et goyave.
L'arrêt d'autobus au coin Notre-Dame/St-Henri.
Fanny.
Le vidéotron et nos retards incessants.
La clinique médicale et ses horaires de merde.
Le IGA et ses condoms Magnum.
Et Thoi.

Le chauffeur obèse et dégoulinant de sueur fredonne au son de la radio,
pendant qu'une adolescente boutonneuse prend en photo,
de son téléphone portable,
une coccinelle qui grimpe sur la vitre du siège d'à côté.
La musique dans les oreilles,
je les observe bouger dans le rythme de ma chanson.
Et dans cette corégraphie de leurs actions et de leurs corps ingrats,
je m'endors tout doucement sur mon sac à dos.

Je me réveille à mi-chemin entre le bonheur
et une dizaine de kilomètres de mon boulot.

Tant pis,
je suis déjà en retard.
Sans d'autres choix plus irraisonnable,
je me mens un après-midi de congé
pour m'installer dans un café.

Dans l'odeur de chaï latté à 1$ le millilitre,
par la vitre salie,
je regarde les passant.
Des sans-abris aux banlieusards huppés,
je me rappelle que Montréal est une ville de contradiction.
Mais dans mes propres ambiguïtés et confusions,
je m'y sens chez moi.
Comme dans une relation d'haine et d'amour,
j'adore détester cette ville.

Je sors dehors.
Je prends une grande respiration à l'odeur de smog,
le temps de sentir le bonheur dans ma vie à l'odeur de je-sais-pas-quoi-mais-certes-pas-de-smog,
le temps de sentir les rayons sur ma peau.
Mais aussi le temps de me rappeler que je n'ai toujours pas commencer à étudier pour la fin de session.
La culpabilité m'envahit,
mais la lumière du soleil est plus forte
et je finis par succomber au plaisir de la procrastination.
Mot que je ne sais d'ailleurs pas prononcer correctement [proscratination].
Tout comme banquette [banquêtte],
fraise [avec l'accent du lac St-Jean],
club [avec l'accent parisien]
et camping [camepingue].

Je ne sais pas dire le mot procrastination,
mais je sais l'écrire
et, en plus,
je sais que ça goûte bon sur la langue.
Alors merde!
J'oublie volontairement le peu de temps qu'il me reste pour réussir ma session
et je me cherche une autre destination.

Après quelques heures,
j'atterris finalement à Honoré-Beaugrand,
où je dois te rejoindre.
Dans un coup de barre soudain,
je monte faiblement les escaliers de la station de métro.

En t'apercevant,
mes muscles ont un regain d'énergie
et j'en oublie les dernières marches.
Le sourire pendu à tes lèvres,
la vie me semble soudainement plus douce.

Comme les croquettes de poulet,
trempés dans le miel,
avec un grand verre de lait.
Miam.
Rien de plus doux.
Sauf peut-être le pull en cachemire de ma grand-mère.

Tu m'embrasses tendrement
et me murmure un «je t'aime».
Je te réponds par une analogie dénuée d'énergie
et je t'enlasse avec la force qu'il me reste.
Tu sens bon le savon,
j'aime ta simplicité.
Direction métro,
tu m'attires vers le quai.
Nous nous faufilons dans un des seuls wagons vides.
Après avoir parlé de futur, d'enfants et d'argent,
nous sortons à la station de mon appartement.
Personne ne s'y trouve.

Nous nous allongeons sur le lit
et dans un soupir,
je m'endors dans tes bras.
Je sais bien que tout n'est pas rose
et que des journées comme aujourd'hui,
ce n'est pas la vraie vie.
Mais dans cette petite sieste de fin d'après-midi,
plus rien n'existe.
Pas de travaux.
Pas de boulot.
Pas de marge de crédit.
Rien.
Juste toi,
moi,
un lit,
les rayons de soleil à travers la fenêtre de ma chambre
et notre amour.