jeudi 16 février 2012

La morve au coeur

Je déteste mon anniversaire.
C’est toujours la même chose.
Le même froid,
la même neige sale,
la même glace.
Je continue de croire que quelqu’un quelque part ne fait que l’entreposer pendant l’été.
Et chaque année de janvier,
il revient la déposer au même endroit.
Du blanc et du brun.
Mon anniversaire est teinté de ces deux couleurs.

Je regarde dehors.
Dégoutée par la saleté hivernale,
je retourne sous ma couette.
Pendant un instant,
j’en veux à mes parents de ne pas avoir «baisés» plus tard dans l’année.
Abasourdie par des pensées absurdes et le froid dans mes narines,
je me décide à sortir de ma torpeur.
C’est quand même mon anniversaire…
Je m’attache les cheveux dans un chignon de madame coincée et

je fais semblant de me trouver géniale en me regardant dans le miroir.

Le téléphone sonne.
C’est ma grand-mère.
Je raccroche en ayant fait mon devoir de petite-fille-gentille-et-franchement-contente-que-ce-soit-son-anniversaire.

Dans un élan effréné, je ramasse le bottin téléphonique pour me commander un chinois.
La bouffe pas le gars, je tiens à préciser au cas où vous penseriez que je suis vraiment désespéré.
Quelques minutes plus tard, on sonne à la porte.
Mon chignon et moi allons ouvrir la porte d’un pas convaincu.

C’est lui.
Pas le chinois.
Non lui.
Oui, oui.
Celui là.
Lui, tout sourire, un chinois dans les bras, qui me lance candidement un joyeux anniversaire.

Tout d’un coup, c’est mon anniversaire.
L’hiver et ma vie semblent moins moches.
Même qu’on dirait presque un vidéoclip de Phil Collins.

Entre des clichés et des papillons dans le ventre, je lui dis d’entrer.
Il sent bon, comme toujours.
Nous nous installons devant la télé, par terre comme des enfants.
Et nous sautons sur le chinois comme si nous n’avions pas mangé depuis 1992.

Finalement, il se lève et se dirige vers la cuisine.
Sans rien demander, il fouille dans les armoires à la recherche de quelque chose.
Et moi, sans rien dire, je le laisse faire.
Il trouve finalement une petite assiette de porcelaine garnies de fleurs,
vieil héritage de ma grand-mère.
Il sort de sa poche de manteau un Jos Louis écrasé et de l’autre une bougie.

On fête qu’il me dit.
On fête quoi, mon anniversaire?
Fuck off!
Non.
On fête le premier jour de ta nouvelle vie.
On fête le début d’un nous.
On commence tout à zéro.

Soudainement,
j’ai un an,
je cours dans la neige en gros «suit» mauve fluo,
la morve au nez,
mon cœur battant à mille à l’heure.
Je suis jeune et c’est ma vie.

C’est mon anniversaire,
c’est mon tout premier.
Celui là,
le vrai,
celui qu’on attend à travers la grisaille des mois plus froids.
C’est mon anniversaire,
je l’aime et
j’ai la morve au nez.

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